Électroanalyse pour la Reconnaissance Moléculaire et pour les Études de Mécanismes Réactionnels
L'électrochimie est utilisée pour suivre ou favoriser la reconnaissance moléculaire entre un récepteur redox-actif (hôte) et une molécule/analyte (invité). Le récepteur peut être soit présent en solution soit greffé à la surface d'une électrode. Le principe de détection repose sur le déplacement en potentiel ou en courant induit par l'évènement de reconnaissance. Les processus électrocatalytiques utilisant des médiateurs redox ou des métaux faisant partie intégrante du récepteur permet d'amplifier le signal redox améliorant de fait la détection de l'analyte. Ces études conduisent à une meilleure compréhension du rôle de certaines molécules impliquées dans des processus biologiques ou permettent de mieux appréhender certains mécanismes en catalyse homogène.
Par exemple, il est bien connu que les quinones sont des agents biologiques clés impliqués dans la phosphorylation oxydante de l'ADP ou dans les processus de photosynthèse. Elles agissent très probablement comme antioxydants et sont des vecteurs d'électrons et de protons dans les membranes des mitochondries, des chloroplastes et des bactéries aérobies.
L'approche électrochimique est très pertinente lors de l'étude des transferts couplés d'électrons et de protons (PCET, Proton-Coupled Electron Transfer) car l'application d'un potentiel permet de contrôler la réaction PCET. De plus, les techniques telle que la voltammétrie sont non destructrices. Nous avons étudié le comportement d'une ubiquinone, UQ2, incorporée dans une monocouche auto-assemblée dans des solutions aqueuses tamponnées (PhysChemChemPhys, 2011) et non tamponnées (ChemElectroChem, 2014).
Nous avons initié une nouvelle collaboration avec le Centre des Sciences du Goût et de l'Alimentation de Dijon (CSGA) portant sur le développement de biocapteurs électrochimiques comportant des protéines de liaison aux odorants. La détection de molécules odorantes est un défi majeur dans différents domaines de recherche comme l'industrie agro-alimentaire, le diagnostic médical et la sécurité intérieure. Le système olfactif humain est capable de discriminer des milliers de molécules différentes grâce à des mécanismes biochimiques impliquant de nombreux récepteurs de protéines et un codage combinatoire. Parmi ces biomolécules, les protéines de liaison aux odorants (OBP, odorant binding protein) sont de petites molécules solubles présentes dans le mucus nasal à des concentrations de l'ordre du millimolaire. Leur poche hydrophobe leur confère la capacité de lier réversiblement des molécules odorantes. Les OBPs sont robustes et faciles à produire et sont donc de bons candidats pour la conception de biocapteurs. Nous nous sommes intéressés à la détection de molécules odorantes en associant les OBPs comme biorécepteur et l'électrochimie comme méthode de transduction (Bioelectrochem. 2015). Grâce à la mutagénèse dirigée, nous avons montré que la substitution d'un seul acide aminé dans la poche hydrophobe de l'OBP du rat, rOBP3, modifie l'affinité vis-à-vis des molécules odorantes. Nous avons développé une méthode électrochimique qualitative et quantitative pour la détection de molécules volatiles à l'aide des OBPs. Nous avons montré que l'OBP rOBP3 interagit avec la sonde électrochimique 2-methyl-1,4-naphtoquinone (MNQ). La quantité de MNQ éjectée de la poche hydrophobe de rOBP3 par un odorant modèle, la 3-isobutyl-2-methoxypyrazine (IBMP), a été mesurée par voltammétrie à vagues carrées. Nous avons déterminé les constantes de dissociation des complexes rOBP3/MNQ et rOBP3/IBMP. Les valeurs mesurées par électrochimie ont été confirmées par fluorescence et par titration calorimétrique isotherme (Bioelectrochem. 2015). En combinant cette nouvelle méthode analytique à des mutants de rOBP3 possédant différents types d'interactions complémentaires, nous avons pu détecter sélectivement un mélange ternaire de molécules odorantes. Ce travail combinant ingénierie des OBPs et électrochimie offre des perspectives intéressantes dans le domaine des nez électroniques.
Nous avons également analysé par électrochimie des dérivés mono, di, tri et tetraphosphines-ferrocène synthétisés dans le groupe du Pr. Jean-Cyrille Hierso (Equipe OCS de l'ICMUB). Lorsque ces ligands sont associés à des métaux comme le palladium ou le cuivre, ces auxiliaires sont utilisés dans les réactions induisant la formation de liaisons C-C et C-hétéroatomes. L'électrochimie comme outil pour l'analyse et le contrôle de la réactivité est essentielle pour appréhender des niveaux d'activité élevés (catalyse ultra rapide, activation de liaisons faiblement réactives comme les liaisons C-Cl ou C-H, minimisation de la quantité de catalyseur…). Nos études se sont principalement focalisées sur l'addition oxydante d'halogénures aromatiques à partir de complexes de palladium(0) électrogénérés, qui est une étape clé dans le cycle catalytique global. L'influence de cette étape a été calibrée par rapport aux paramètres électroniques et stériques des réactifs et du catalyseur (par exemple, nombre de phosphines portées par la plateforme ferrocénique, richesse électronique et encombrement stérique du réactif halogéné,…). Ce programme de recherche a démontré que l'électrochimie est un outil précieux, pratique et bien adapté pour établir les conditions les plus favorables à la catalyse (Chem.-Eur. J. 2011; Organometallics 2013 ; Inorg. Chem. 2013).